Ça y est, il est temps pour moi de franchir un cap, celui de voyager encore plus loin! Après avoir pris mon billet pour l’Australie, je me devais de rendre visite aux cousins, expatriés en Nouvelle-Calédonie depuis plusieurs années.

Allez, viens, j’t’emmène…

Avec leurs accords, j’allais passer 3 semaines avec eux, bercée sur cette petite île, ce petit bout de France, en plein milieu de l’Océan Pacifique. Quelle excitation…

Rempli d’images, d’attentes et de rêves, me voyant nager avec les dauphins, participer à des cérémonies tribales, errant sur la plage de Nouméa… Bref, j’étais assez impatiente à l’idée de découvrir ce nouveau paysage, cette autre culture, ce petit bout de terre, de l’autre côté du globe.

…PARÉE AU DÉCOLLAGE…

Me voici à l’aéroport de Brisbane, en Australie, attendant le vol pour Nouméa avec la compagnie Air Calédonie. Nouméa, La Nouvelle-Calédonie, quelle chance j’avais… Dur d’y croire et pressée de revoir les cousins! Pour environ 2h de vol,les billets se font chers, je comprendrai pourquoi une fois arrivée. Il n’y a qu’une seule compagnie qui dessert l’île, donc aucune concurrence… Durant le vol, le choc n’est pas brutal, les gens parlent français et je m’émerveille déjà en regardant à travers le hublot cette grande étendue bleue, avec ses dégradés et sa barrière de corail. Je fronce les yeux, espérant apercevoir une baleine ou un banc de dauphins… Le rêve est permis. Nous approchons de l’aéroport qui ne me paraît pas très grand, mais tout ira bien. La Tontouta, me voilà. Pas de colliers de fleurs en gage de bienvenue, mais une chaleur bien présente, ici c’est ambiance tropicale. De loin, je les aperçois, ils me cherchent, ils ont peur de ne pas me reconnaître! Valise récupérée, quelques Francs pacifiques en pochent, nous nous dirigeons vers la voiture, le tout sur fond de musique traditionnelle émanant de l’aéroport. Malgré le coup de fatigue, j’observe et me fond dans mon nouvel environnement.

…EN ROUTE, MAUVAISE TROUPE…

Dès lors, je ne verrai pas défiler les jours. Les 3 semaines vont passer à une vitesse complétement dingue. Je comprendrai qu’il vaut mieux avoir un 4×4 pour se déplacer car les routes, pour ne pas dire les pistes, sont dans un état médiocre et les gens roulent comme des fous. Je m’acclimaterai à la vie Calédonienne dans la bourgade de La Foa, où mon petit bout de famille a élu domicile, à 1h au nord de Nouméa. Je noterai que la vie y est assez chère, mon cœur s’emballera à chaque passage en caisse. Plus des 3/4 des produits sont importés. Je constaterai très rapidement que le mélange entre populations n’est pas de mise. Les Kanaks représentent le peuple originaire de cette île; les Zoreilles, terme assez péjoratif, représentent les expatriés fraîchement débarqués depuis 1 ou 2 générations; et les Caldoches sont des personnes vivant depuis 5 ou 6 générations sur le Caillou, et chacun reste dans son coin. A partir de là, la base est posée mais cela ne nous empêchera pas d’aller prendre une Number 1, bière locale, à l’hôtel restaurant Le Banu. Cet établissement situé à l’entrée de la ville, possède une architecture typique, une collection de casquettes impressionnante et est connu pour avoir reçu l’équipe de Foudre, une série métropolitaine mettant en avant la N-C et le Vanuatu…

Après une soirée retrouvailles bercée par le son des margouillats, mon aventure commencera en trombe avec une sortie bateau pour du snorkeling dès le lendemain matin. Mon cousin me donnera les règles pour éviter d’attirer les requins (oui il y en a): ne pas faire pipi dans l’eau, ne pas saigner et ne pas nager comme une sirène. Non, je ne vais pas paniquer… Il est 7h30 du matin, le soleil brille, vous prenez place sur un bateau moteur qui semble fendre l’eau sur son passage, la combi à moitié enfilée, les yeux en pleurs tellement tout est magnifique. Le lagon semble tout juste se réveiller, il n’y a personne d’autre que vous, l’eau est bleue et plus vous avancez, plus elle devient claire, le vent siffle dans vos oreilles tellement vous allez vite. Vous osez vous retourner pour voir le chemin déjà parcouru et là, vous avez un panorama digne d’une carte postale. Vous voyez une partie de l’île, avec ses vallons, ses monts, sa nature… Et tout d’un coup, vous vous dîtes ‘mince, je suis vraiment ici, je suis vraiment en train de vivre ce moment, je suis en Nouvelle-Calédonie et je m’apprête à plonger le long de la Grande barrière de Corail‘. Je me sentais déjà plus ou moins concernée par la cause de notre planète, mais je vous assure que quand vous vous rendez compte de la beauté de cette nature, vous n’avez qu’une seule envie, celle de la préserver au mieux. Timidement, je rentre dans l’eau. Je commence à observer le corail, la plupart étant complétement éteint, les bancs de poissons tropicaux viennent y apporter de la couleur. Nous croiserons des tortues de mer, des poissons volants, des poissons chirurgiens, des poissons anges, des étoiles de mers, des hippocampes, des dauphins, et nous apercevrons une raie manta. Je ne vais pas me languir d’admirer les énormes bénitiers et les exceptionnelles porcelaines qui peuplent le fond de mer. Une fois de retour, mon cousin me confessera avoir chassé un requin de la taille du bateau quelques minutes avant que je plonge. Pour ma santé mentale, je décide de faire abstraction de ce détail. Nous réitérerons cette expérience plusieurs fois durant mon séjour, elle se montrera toujours aussi riche.

Nous irons faire un tour dans la rivière, naviguer dans le labyrinthe des mangroves, qui donnent l’impression de ne pas vouloir vous laisser partir… L’eau y est trouble, il y a du monde là-dessous. Nous verrons des crabes violets à une pince, des oiseaux, des lianes ressemblant à de vrais rideaux d’argent, mais cette ambiance est autant magique que pesante pour moi et je prie pour que nous sortions de là vivants.

Nous ferons des balades dans la nature et malgré toutes les fleurs et plantes que nous croiserons, des orchidées sauvages, des plantes insectivores tel des Népentès, des aloès verra, des fougères arbustes, des hibiscus, du niaouli et la fleur de tiaré et de frangipanier, mon attention se portera sur un arbre. Un grand arbre avec un aspect singulier, on l’appelle le banian. Et celui que j’ai devant les yeux est absolument immense, il trône, au milieu des autres arbres et plantes qui lui ont laissés la place, en guise de vénération peut-être, du coup je le surnommerai le Roi de la forêt du Pacifique.

Avec ma cousine, nous monterons à cheval pour une balade à travers la brousse, traversant des petits cours d’eau, des champs de palmiers, nous frôlerons d’énormes banians pour arriver en haut d’une colline qui nous offrira un panorama sur l’océan. De loin, je revois les dégradés de bleus, la richesse de cette île m’abandonne à la songerie.

Voiture remplie à ras bord, nous partirons en trip pour atteindre la côte est. Nous traverserons la Grande Terre par une des rares routes centrales. Nous monterons, nous descendrons, nous tournerons, bref, nous observerons un paysage changeant sous les kilomètres avalés. A mi-chemin, nous nous arrêterons pour constater la cruauté des mines de nickel qui viennent presque entacher le paysage. Cette terre rouge est abandonnée de toute vie, sauf de celles des camions bennes et des hommes qui les conduisent. Tout au long du trajet, nous traverserons quelques tribus, dont certaines sont très bien entretenues, très accueillantes, et nous pourrons même apercevoir les cases de certains villages. D’autres sont dans un tel état que l’envie de s’y arrêter ne s’éternise pas. En règle générale, je suis assez triste de voir l’état de l’île. Carcasses de voitures brûlées, plastiques en tous genres, cannettes et autres ferrailles viennent obstruer la vue. Cela me désole et me culpabilise en même temps. Cette terre est un vrai bijou, une vraie bénédiction de la nature, on lui recense tellement d’espèces rares que je m’interroge sur les conditions actuelles. Après avoir remarqué de la fumée émanant de certains bas côtés, on m’expliquera qu’ici les feux de brousse sont monnaies courantes et qu’ils détruisent énormément d’hectares à l’année. La végétation est tellement sèche, le soleil est tellement fort qu’au moindre coup de vent, un rien peut s’enflammer. Certains décident donc de dompter le feu et de brûler de manière volontaire certaines zones avant que mère nature ne s’en charge. Sans compter les feux criminels qui augmentent chaque année. Au bout de 3h de route environ, nous apercevons un nouvel horizon tout bleu, nous approchons de la côte est. La végétation change, elle devient plus luxuriante, plus dense. En chemin, nous serons chanceux de tomber sur un marché local qui regroupe plusieurs tribus. J’y verrais tous les produits locaux, des sculptures en bois, des sacs en bananier, des robes popinées et des pointes. Ils proposeront des bougnias cuisinés avec des taros, ignames, patates douces et magnocs arrosés de lait de coco, le tout coincé au milieu de viande ou de poisson dans une feuille de bananier. Ils y serviront aussi des Po’é, gâteaux typiques, farine de manioc et purée de banane en sont les principaux ingrédients. Une petite soif pour faire passer tout ça, pas de souci, voici une coco toute fraîche! Quelques minutes après notre arrivée, toutes les femmes se regrouperont sous une grande tente et commenceront à jouer au Bingo, jeu très populaire sur l’île. La scène valait d’être vécue. Nous remonterons la côte jusqu’à Hienghène où nous planterons la tente dans un camping que je qualifierai de sauvage, même si nous avons dû payer notre emplacement. Une première pour moi, des douches en plein air et des toilettes habitées par les araignées… Habitués, les cousins s’en donneront à cœur joie pour me taquiner… Heureusement, l’endroit est magnifique, les vagues ne sont qu’à quelques mètres, nous sommes abrités par des palmiers et à ma grande surprise, il y a des pomelos sauvages, un de mes fruits préféré! Autant vous dire que le goût n’a rien à voir avec ce que nous recevons en France… Mon cousin, qui était allé faire un tour les pieds dans l’eau, nous reviendra avec le chien sous le bras, un Tricot rayé a été vu! Il s’agit d’un joli serpent typique de l’île, 3 espèces cohabitent et sont distinguées par la couleur de leurs rayures. Voilà qui va m’aider à passer une bonne nuit.. . Ce sera un joli baptême de camping sauvage… De là, nous nous poserons face à une falaise de calcaire qui se trouve au milieu de la baie. Belle et curieuse, nous ne repartirons pas avant que je réalise qu’il s’agit de la fameuse Poule de Hienghène. À cet endroit précis, je me trouve à 17 000km de Paris. L’endroit est loin d’être peuplé en ce mois de septembre, la saison n’est pas à son apogée et ce sera très bien comme cela. Nous ferons de très jolies balades, notamment celle qui nous conduira à la cascade de Tao. La vue y est appréciée aussi bien des locaux que des touristes, mais aussi des tricots rayés! Je remarquerais quelques différences entre la côte Est et la côte Ouest. Cette dernière est plus propice au snorkeling, mais est plutôt dépourvue de plages. Je trouverai à la côte est un petit côté caraïbe. Après 3 jours d’itinérance, nous ferons chemin inverse pour rentrer à la maison.

…LA VILLE…

Me voici en route pour Nouméa. Cette visite, je l’attendais depuis un bon moment et j’allais enfin pouvoir confronter mes attentes avec la réalité, qui, il faut bien l’avouer, ne sont pas tout à fait les mêmes. Je me baladerai sur le bord de mer, de l’Anse Vata à la Baie des citrons tout en jetant un œil à l’île aux canards. Je grimperai au Mont Ouen Toro qui offre une vue absolument magnifique sur Nouméa, le Mont Dore et l’océan Pacifique.  Relativement propre et bien emménagée, cette ville ne décompte pas pour autant une pauvreté malheureusement bien réelle, avec notamment des habitations de fortune à l’entrée de la ville. Les quartiers qui hébergent les Caldoches et les Zoreilles se démarquent avec de grandes maisons, des piscines pour certaines, ainsi que le quartier plus touristique avec les hôtels et les restaurants. Cette ville ne manque de rien, magasins, restaurants, services hospitaliers, tout y est. Je pourrai même aller flâner sous les Halles, où l’odeur de poisson n’est pas un mythe. J’en profiterai pour faire le plein de musées pour en apprendre davantage sur l’histoire locale. L’aquarium des lagons me permettra entre autres, de voir des requins, des raies, des tortues de mer, mais le poisson qui me fascinera le plus sera le poisson Napoléon…. J’aurai la chance d’apercevoir l’oiseau emblématique de la Grande terre et unique au monde, le Cagou, en visitant le Parc zoologique et forestier Michel Corbasson. Il peut avoir des airs de gros pigeon, mais c’est quand il déploie ses ailes que l’on voit nettement la différence, avec son plumage blanc et son bec orange. J’y observerai aussi des perruches, des aras, des paons, des singes, mais aussi des Notous, le plus gros pigeon arboricole du monde et aussi emblème de la Nouvelle-Calédonie et de ses îles alentour. Je ne raffole pas des zoos, mais ce parc, situé sur les hauteurs de Nouméa, en plus de vous faire découvrir une faune et une flore unique, vous propose une vue sur la capitale assez saisissante. Continuant ma découverte sur la nature de cette île, me voici poussant les portes du Centre culturel Tjibaou. Donnant l’impression d’un musée en plein air, j’aperçois de loin les grandes cases inspirées de la culture locale qui abritent des collections d’art, une bibliothèque et une salle de spectacle, toujours dans le but de valoriser et de transmettre les codes et les connaissances de la culture Kanak. Pour ma part, le pari est réussi. Je vivrai pendant près de 2 heures, bercée par le son des musiques traditionnelles, des images et de la culture océanique, le tout en pleine nature, avec de petits chemins bordés d’arbres, notamment le pin colonnaire, emblématique, et de fleurs typiques. De là, je me dirige vers des visites plus historiques et culturelles en visitant les 2 musées du centre ville. J’en apprendrai encore un peu plus sur l’art kanak au musée de la Nouvelle-Calédonie, qui possède l’une des plus belles collections au monde et j’élargirai mes connaissances sur l’histoire de Nouméa, de la vie tribale à la colonisation; en traversant la place des cocotiers pour me rendre au Musée de la Ville. De toutes ces visites, je comprendrai qu’en plus de son héritage naturel unique au monde, la Nouvelle-Calédonie est peuplée d’âmes venant d’horizons différents, riche de traditions, de coutumes et de cultes lui rendant un hommage intemporel et incessant. Les rites ne sont pas à négliger avant de pénétrer en terre tribale sous peine de s’attirer les foudres d’un sorcier vaudou…

Nouméa est une très jolie ville, ce qui peut faire du bien quand on n’a pas l’habitude de vivre trop longtemps en brousse. Cette visite me permettra de voir que sur cette île, 2 modes de vie cohabitent. Ceux qui vivent en brousse, et ceux qui vivent à Nouméa. Beaucoup de jeunes kanaks sont absents des bancs de l’école et même sous 35°, ils n’hésitent pas à arborer leurs pulls et bonnet aux couleurs de la Jamaïque et de Bob Marley. Je tomberai nez-à-nez avec une Raerae, surnommées les reines de la nuit, venant généralement de Polynésie, ce sont des hommes se sentant davantage femmes. Elles représentent un petit bout de population ici, mais, d’après ce que j’ai pu voir, ne sont pas forcément bien accueillies. Avec le référendum de l’indépendance qui approche, sujet plutôt tabou, j’ai bien compris que la majorité des jeunes y était favorable, contrairement aux personnes d’un certain âge. Quoi qu’il en soit, cette île semble avoir reçu le système de consommation en pleine face, sans aucune aide concernant sa gestion, ce qui pour ma part, peut expliquer certaines choses, mais pas certains comportements. Effectivement, des cas de violences sont à déplorer, notamment dus à une consommation excessive d’alcool, mais cela ne gâche en rien ce que l’île et la majorité de ses habitants ont à offrir.

…LE PLAISIR D’OFFRIR…

En parlant d’offrande, je trouverai une belle surprise lors de mon retour sur La Foa. Les voisins de mes cousins, des Caldoches, un couple adorable, me fera l’honneur de cuisiner pour moi, pour nous, des plats qui ne sont plus de mises actuellement. Un ragoût de Roussettes, un peu différente de la chauve-souris, des crabes mous, le tout accompagné de taros. Ce repas, presque à la hauteur du foie gras et du caviar, sera assez unique car ces deux espèces sont devenues protégées. Habituellement, ma conscience n’aurait pas toléré un tel acte, mais des fois, pour découvir une culture, il faut savoir lâcher ses engagements. Pour ne pas rester sur notre « faim » ,un bon gâteau à la broche viendra clôturer cette très belle soirée. J’irai me coucher en étant reconnaissante de ce moment, car, en plus d’avoir goûté des mets rares et typiques, ce repas fût partagé entre Caldoches, Zoreilles et une voyageuse du monde.

Après avoir fait le plein d’huiles essentielles de Niaouli, d’aloe vera, de colliers de coquillages, de statue en forme de Cagou, il sera temps de penser au retour.

…LA TONTOUTA, ME REVOILÀ…

C’est avec un gros pincement au cœur que je vais quitter ce petit cocon familial. Se sentir comme chez soi à des milliers de kilomètres de mes racines, ça n’a absolument aucun prix. Je ne saurai comment les remercier pour tout ce qu’ils m’ont permis de vivre. Ce voyage signera mon premier voyage sur une île. Par chance, ce ne fût pas n’importe laquelle. Elle possède tellement de choses exceptionnelles qu’il est difficile de tout vous faire ressentir ici. Encore une fois, je ne peux que vous conseiller d’y aller.

Me voici dans l’avion, regardant une dernière fois par la fenêtre, tentant d’apercevoir l’Île des Pins, Lifou, Ouvéa ou Maré que j’ai manqué, disant au revoir à tous ces paysages, à ce lagon, à ces piques-niques sur des îles désertes… Je retiendrai aussi la magie de l’Aloe Vera, notamment sur les coups de soleil! Tous ces moments de pur bonheur qui m’ont fait me sentir vivante et à toutes ces confrontations qui m’ont permises d’évoluer dans un univers très loin de ce qu’est le mien.

Heureusement, mon aventure dans le Pacifique ne fait que commencer.

Les cousins, un grand Merci,

Nouvelle-Calédonie, Tata…

 

Mary JANE.