Samedi 22 décembre 2018. 14h00. Toulouse. Allez, viens, j’t’emmène…

…ENGAGEMENT, QUAND TU NOUS TIENS…

Dernier samedi avant Noël, me voici déambulant dans les rues de Toulouse à la recherche d’un cadeau de dernière minute, un livre. Quelle merveilleuse idée que de se rendre en plein centre-ville 72 heures avant un des évènement le plus commercial de l’année. Bref, les yeux rivés sur l’aiguille des minutes, j’avais un rendez-vous à ne pas manquer. À 14 heures, les gilets jaunes doivent se retrouver à Esquirol afin de montrer leur détermination, encore une fois.

…LA BÊTE…

14h07, me voici sur place. Moi qui pensais me retrouver face à un petit attroupement de jaune, perdu au milieu de la foule en délire à la poursuite des derniers achats, que nenni ! Je ne m’aventurerais pas à donner un ordre d’idée quantitatif car je suis plus que mauvaise à ce jeu-là. Ce que je peux dire par contre, c’est que le nombre de personnes présentes malgré la date et la pluie, est bien plus élevé que dans mes attentes.

Une brève observation autour de moi avant que le cortège pacifiste commence à se déplacer vers le Pont Neuf. Derrière nous, une vision que j’aurai bien du mal à expliquer. Une ligne de personnes vêtues de noir, de la tête aux pieds, armées, casquées, immobiles. Des camions de police, des motards avec leurs tours de bras oranges faisaient office d’arrière-plan. Mais, entre ces deux blocs, une chose attira mon attention. Une masse postée face à nous. Telle une arme secrète, tel un dragon protégeant la forteresse, un camion anti-émeute se tenait prêt à user de son canon à eau. Ah bon ?Vraiment ?

Après un moment de chair de poules, je revins à la réalité. L’ambiance était légère, les magasins aux alentours finissaient de baisser les grilles et le cortège continuait sa route vers les quais.

…EN ROUTE POUR 10 000 PAS…

Au fur et à mesure des pas, des personnes se greffaient au groupe. Avec ou sans gilet, avec ou sans pancarte, avec ou sans slogan, peu importait. La motivation et la détermination se lisaient dans les yeux. Même la pluie n’était pas assez forte pour les décourager. Des gilets jaunes flottaient par les fenêtres, des clients attablés encourageaient la marche, des voitures au point mort chantonnaient des sons de klaxons amicaux, des commerçants un peu effrayés pour les devantures des magasins scrutaient le moindre geste déplacé.

Nous voici en route vers le Capitole. À ce moment-là, je crains. Une section de forces de l’ordre fermaient le cortège pendant que d’autres attendaient fermement aux différents axes de la place centrale. Le marché de Noël, protégé par des grilles suite au plan vigipirate, voyait ses petits chalets baisser leurs rideaux et rentrer leurs marchandises. Attendue comme les marcheurs blancs (cf : Games of Thrones), cette troupe faisait frémir avant même son passage.

En route vers la Basilique Saint-Sernin, aucun dommage n’était à déclarer. Le seul point à combattre était la pluie qui s’épaississait alors qu’une pause se faisait sentir. Devant les locaux de la CGT, le premier bruit sec se fit entendre, un petit feu d’artifice éclata dans le ciel à la surprise générale. Ce geste eut pour effet de donner un nouvel élan aux troupes et de continuer vers le boulevard Lascrosse. Pendant que certains tentaient de dissuader et de créer un changement de direction afin d’éviter le blocage sur cet axe principal, la majorité continua dans sa lancée.

…VERS LA PORTE NOIRE…

Rejoint par des dizaines de nouvelles têtes, la manifestation grossissait à vue d’œil. Toujours dans un élan de solidarité, de respect et de liberté, les choses se portaient bien. Malgré l’occupation du boulevard, rien n’était à signaler. Mais, ils étaient là, les hommes en noir. Ils étaient là, droit devant, au niveau des Allées Jean Jaurès. La bête blanche aussi.

La bataille du Morannon (cf: Le seigneur des anneaux), voilà vers quoi le mouvement se dirigeait. Il y avait de l’électricité dans l’air, je pouvais la sentir, je pouvais la toucher, je pouvais la voir. J’appréhendais tellement des affrontements depuis le début de l’après-midi que j’étais à l’affût de la moindre étincelle qui pouvait mettre le feu aux poudres. Rappelons-nous que dans la trilogie de Tolkien, cette bataille n’est pas la dernière mais elle est remportée par le Gondor

Saroumane, nouveau surnom attribué afin de rester dans le thème, rangea son bâton magique, changea de position et recula. Surprise, je le pensais en bonne voie pour rejoindre sa tour d’Orthanc, point du tout… Quelques petits retentissements se firent entendre, « Macron démission » était clairement audible, la foule était dense, en marche, vers eux.

…SAMEDI NOIRCEUR…

Quelques minutes après, le sort était lancé. Le tableau n’était pas des plus réjouissants. Je n’arrivais plus à distinguer les membres du Gondor à ceux du Mordor. Des orques, des trolls, des chevaliers, je ne reconnaissais plus personnes. De la fumée de tous les côtés, des pétards, mes sens étaient encore une fois, mis à rude épreuve.

De la casse, des cris, des menaces physiques, des coups de gueules, des coups de rage étaient visibles des deux côtés. Encore un état des lieux assombris par tout cela et les décorations de Noël n’y changèrent rien. De l’espoir, j’en avais, en début d’après-midi…

Combien de samedis vont être nécessaires ? Combien de samedis vont devoir avoir lieux afin que les choses s’arrangent ? Combien de samedis vont devoir être vécus pour que les principaux visés agissent, réagissent, écoutent, entendent et face preuve d’honnêteté ? Combien de samedis comme celui-ci faudra-t-il pour prendre conscience du danger que représente cet anneau ? De droite, de gauche, du centre ou de la terre du milieu, combien de temps nous faudra-t-il pour comprendre qu’enfiler cet anneau (ce système) à nos doigts nous rend fou, nous approche tous les jours un peu plus de la fin, de notre fin…

…LE FRIC, CE HIC…

Un jour, enfant, je trouvais un billet de 20 Francs par terre. Prête à le ramasser, ma maman me cria « Ne le touche pas, il est par terre, il est sale ». Pas plus triste que cela, je continuais mon chemin.

Ma maman avait raison, ce billet était sale, mais pas uniquement parce qu’il se trouvait par terre. Il était sale tout simplement parce qu’il s’agissait là d’un billet d’argent, de monnaie, de cash, de fric, de pognon, de thune, d’oseille, de blé. Alors, oui, maman, l’argent c’est sale, aujourd’hui, je suis d’accord avec toi. Aujourd’hui, je comprends, je vois ce que l’argent fait faire aux hommes et aux femmes qui en veulent toujours plus. Et tu vois maman, comme aujourd’hui il n’y a pas un seul argent propre et comme tu m’as appris les bonnes manières et bien, de l’argent, maman, j’en veux plus…

Mary Jane.