…TANNA, L’ILE QUI NE M’AURA PAS …

La nuit fût tout aussi agitée que la précédente. Des rats, des moustiques, les maux du volcan… Dès le lendemain matin, nous sommes tous à l’écoute de la météo afin de programmer notre prochaine grimpe de jour. En attendant, nous partons explorer les alentours. Avec aucun moyen de repérage, j’avoue jouer la carte de la prudence et ne pas partir très loin. Tout a l’air si calme, épais, lourd. Cette sensation d’étouffement ne me quittera pas.

Après avoir jeté un coup d’œil bref, mais perçant aux alentours, il est grand temps de me rendre compte que Fred et sa femme entretiennent, malgré les conditions climatiques, un joli jardin. De magnifiques fleurs colorées émanent de ce sol noir. La jungle tout autour est dense et le brouillard venant en chatouiller la cime me fait doublement voyager. On pourrait se croire dans un autre monde. Avec les grondements répétitifs du volcan en guise de fond sonore, je me suis crue, l’espace d’un instant dans un royaume certes, mais celui des ténèbres.

Notre avion doit décoller en fin d’après-midi et malgré plusieurs tentatives de décalages afin de nous donner une chance supplémentaire, la visite du volcan ne se fera pas. Fred est tout autant déçue que nous, mettant toutes ses forces à essayer de nos aider. Allant même jusqu’à nous proposer de nous bloquer la chambre une nuit supplémentaire à la fin de notre séjour. Malgré tous les efforts de tous les côtés, nous ne pouvons pas rester. Nous chargeons nos affaires, un au revoir à nos amis et nous grimpons dans le pick-up, pour la dernière fois.

 

…TANNA, ET MOI…

Cette fois-ci, nous ne serons que 4 dans la voiture pour le retour. Je prends un immense plaisir à rester derrière, à l’extérieur, dans la « benne ». Ce long moment me sera utile afin de dire au revoir à cette île. Pas plus de 48 heures ici et pourtant, j’ai cette douce et curieuse impression de plus. Peut-être est-ce le résultat d’avoir été coupé du monde extérieur ? Pas de téléphone pour communiquer, pas de système de consommation, juste elle, eux, la nature et moi. J’ai vécu chaque minute entièrement. J’ai senti chaque sentiment pleinement. J’étais à fond dedans…

Je mange des yeux le moindre détail de ce paysage complétement fou, totalement inédit. Nous nous arrêtons une dernière fois aux pieds du volcan, voyant quelques traces de ceux s’aventurant à y faire des glisses. Cet endroit est singulier, intriguant, spectaculaire. Un mélange de paysage lunaire et d’Hiroshima. Puis, vint le passage critique. Celui qui déterminera notre sort, celui qui décidera de la suite de la journée. Dues aux pluies torrentielles des derniers jours, l’eau a crée un ruisseau. Le niveau de l’eau et le courant sont assez important. Fred nous demande si nous sommes d’accord pour le tenter. Pour lui, cela passe, mais il faut y aller de suite. Un bref regard entre nous, je rentre à l’intérieur de la voiture, ceintures bouclées et, la boule au ventre, nous traversons. Encore des frayeurs, je me souviens. Nous croisons des enfants sur la route, Fred ralentit pour qu’ils aient le temps de monter derrière. Il les connaît, j’avais oublié, tout le monde se connaît ici. Sans parents, sans sacs, ils vont à la ville quelques jours pour ramener des provisions pour les familles. Je suis interloquée de savoir deux enfants livrés à eux-mêmes de la sorte. Mais, Fred me rassure, c’est monnaie courante ici. Ils ont de la famille à la ville, nous sommes tous de la famille ici.

Nous voici arrivés, nous allons faire un tour au bord de l’eau ce qui nous permet de nous rendre compte que de ce côté de l’île du moins, il n’y a pas de plage de sable blanc, uniquement de la roche noire volcanique. Je lève la tête et j’aperçois un bout de tissu voler au vent. Le drapeau du Vanuatu, déchiré, mais toujours accroché à cette longue pique en fer. Rouge, vert, noir et jaune, il est toujours là, comme cette île face aux épreuves. Sur le chemin pour l’aéroport, nous croisons une ambulance transportant d’urgence une patiente à Port Vila. Cette question m’avait taraudé l’esprit auparavant. Ce côté coupé du monde est fort agréable, mais comment gérer les urgences… Un peu plus loin, je croise le regard de deux enfants albinos. Fred me dit qu’ils sont de plus en plus nombreux, que cela est sûrement dû à la consanguinité des parents…

Deux jours, je réalise que c’est court pour découvrir cette île. Je manque de temps. J’aurais tellement voulu en faire le tour, assister à une danse traditionnelle, poser encore plein de questions à Fred. Mais, notre avion sera là, comme prévu. Malgré la difficulté, dire au revoir, adieu à Fred sera quelque chose d’étrange pour moi, un moment émouvant. Tout comme quitter cette île qui aura su titiller mon esprit aventurier, mon côté exploratrice. En très peu de temps, elle m’aura permis de me dépasser tout en m’offrant le meilleur. Je suis exténuée, mais fière. Malgré ce sentiment, je dois avouer qu’au fond de moi, je suis soulagée à l’idée de retrouver un environnement un peu plus connu. Tanna restera pour moi, une expérience inoubliable, son sol noir, son volcan… Que me réserve la suite ? …

Mary Jane.

ÉPISODE SUIVANT – LUNDI 4 MARS 2019