…ESPIRITU SANTO…

Il est tard, la nuit tombe tôt dans ce coin du monde. Nous sommes à l’aéroport de Luganville, sur l’île d’Espiritu Santo, à attendre un taxi envoyé par Zaza, que nous allons enfin rencontrer ce soir. Du paysage, nous ne verrons pas grand chose. Mais je remarque tout de même qu’il y a l’électricité ici. Le taxi s’arrête et elle est là, à nous attendre. Depuis le temps que nous communiquons ensemble toutes les trois, nous sommes heureuses de nous rencontrer enfin. Pour fêter cela, nous posons nos affaires, puis, nous prenons la direction de la plage. Nous allons faire la connaissance d’autres personnes ayant contactées elles aussi Zaza pour leur voyage, et nous découvrirons la boisson traditionnelle de l’archipel, le Kava.

Ah, le Kava ! Vous ne savez pas ce que c’est ? Moi non plus… Et heureusement, sinon, je n’aurai jamais accepté d’y toucher ! Coutume mélanésienne, ce sont les racines d’un arbuste, le poivrier rouge, unique à cette partie du monde, qui sont coupées, mâchées, crachées puis filtrées dans une feuille de bananier. On essaye de me convaincre que les méthodes ont changé, mais je n’en crois rien. Bon, de toutes manières, je suis ici pour repousser mes limites alors… Servi dans une demi-coco, il faut l’avaler d’un trait. Voilà, je viens de boire un mélange de terre, de racine, je n’arrive pas très bien à déceler ce goût, mais je n’y reviendrai pas… Quelques minutes plus tard, me voici inquiéte, je ne sens plus ma langue ! Absolument normal, l’effet premier de cette boisson est anesthésiant et si j’en bois deux ou trois de plus, je pourrai me trouver complétement relaxée avec ses effets anxiolytiques. Mon état de fatigue initial étant bien avancé, cela me dirige encore plus vite vers mon lit.

Zaza nous donne quelques dernières consignes. Éviter de se promener seule, ne pas prendre d’objets de valeur, être à l’intérieur dès la nuit tombée… Des règles qui ne me surprennent guère, ici où ailleurs, elles restent malheureusement les mêmes. Pour finir sur une note plus entraînante, elle nous détaille notre programme pour les prochains jours. Départ demain matin pour le nord de l’île, ma camarade, moi-même et les personnes rencontrées ce soir. Je suis terriblement impatiente de découvrir Santo, mais, à cet instant précis, encore plus de trouver un lit pour dormir.

…ESPIRITU SANTO, LES TROUS D’EAU…

Grand soleil, bonne humeur, tout le monde est prêt pour cette expédition de 3 jours et 2 nuits. Nous prenons la route à bord d’un grand pick up conduit par un local, un ami de Zaza, et même si nous allons emprunter la seule route goudronnée de l’île, le 4w4 sera bien utile. Montée à l’arrière, cheveux au vent, je rêve de ce que j’ai devant les yeux. Des champs de palmiers à perte de vue dont les rangées sont impeccablement proportionnées. Des oiseaux se montrent dans le ciel, ce ciel irréprochablement bleu. À des moments, j’aperçois la mer, qui n’est pas très loin sur ma droite. Je ne parle pas. Je dévore avec les yeux ce coin de paradis, je copie-colle ce moment dans ma carte mémoire. Je sais que je ne reviendrai pas. Je sais que ce moment est unique dans ma vie et je ne veux pas l’oublier.

Nous quittons la route principale pour un chemin de terre. Le chauffeur se gare et nous descendons, tous pressés, nous savons où nous allons. Des rires d’enfants se font entendre pendant que je me fais dévorer les pieds par des fourmis rouges de tailles impressionnantes. Il ne faut surtout pas rester immobile ici. À travers les arbres verts et le parterre rempli de feuilles marrons, une couleur bleue étincelante m’attire l’œil. Nous voici face à notre premier trou bleu, Riri Hole. Tellement clair, je peux y voir la vie sous-marine à travers. Des petits poissons, des cailloux, des bouts de bois, des lianes mortes et même des Vatus en guise de vœux. Bordé d’arbres touffus dont les branches denses viennent effleurer la surface, l’endroit est comme ensorcelé. C’est tellement beau, je cherche l’erreur… La confrontation de ses 3 couleurs est évidente et parfaite. Tout y est paisible, même les oiseaux murmurent. L’eau dort, mais plus pour longtemps. Déjà munis de nos maillots de bain, nous voici tous sur le petit ponton aménagé, prêt à attraper cette grosse corde qui, après plusieurs balancements, nous fera traverser dans ce monde parallèle, ce monde frais et transparent.

Reprenant la route, nous laisserons un des nôtre, le seul homme du groupe, désirant poursuivre sa propre aventure. Nous ferons un second arrêt pour admirer un second trou bleu, Matevulu Blue Hole. Différent du premier, le côté sauvage y est moins marqué. Entretenu de façon à sublimer l’endroit, l’accès est, lui aussi, payant. La découverte commence sur ce parking de terre, où deux totems nous indiquent l’entrée. Des arbustes fraîchement plantés, des fleurs d’un rose fuchsia magnifique et toujours ce même vert émanant de cette forêt tropicale, vierge et généreuse. La couleur de l’eau par contre, n’est pas la même. Bleue pétrole, elle paraît plus épaisse, plus lisse, comme endormie. Face à nous, de l’autre côté de l’eau, un banian trône. Une échelle en bois a été fixé le long de ses racines permettant aux nageurs de remonter jusqu’à la petite plate-forme et de se balancer à cette énorme liane, réveillant ainsi ce calme marin. Nous ne sommes pas les seuls à profiter de ce cadre, mais par respect, nous préservons le silence dans ce havre de paix.

…ESPIRITU SANTO, DE PLUS EN PLUS BEAU…

De nouveau les cheveux au vent, nous voici en route pour un prochain arrêt qui fera office de pause lunch. Le paysage est toujours aussi sublime, bien que la végétation s’épaississe un peu plus, troquant les champs de palmiers contre un échantillon de forêt vierge. Nous apercevons sans mal le bord de la côte ainsi que quelques îles toutes proches. Nous voici à Champagne Beach. J’en reste bouche bée. Imaginez-vous, une plage en demi-cercle, marchant sur un sable fin et doré, ouvrant sur une baie d’eau turquoise donnant vue sur l’île aux tortues, juste en face, bordée par des arbres d’un vert étincelant. Prisé par les jeunes mariés, ce cadre est idyllique. Des arbres centenaires peuplent la plage, laissant choisir qui de nous préfère le plein soleil ou la timidité de l’ombre.

Des locaux sont là. Ils nous regardent. Que pensent-ils ? Nous sommes les seules à nous pavaner en maillot de bain. Les hommes, les enfants et même les femmes vont se baigner habillés. Certains sont torse-nus, je me surprends à les admirer par-dessous mes lunettes. Jeunes pour la plupart, leur peau paraît comme huilée, d’un doux noir brillant, réfléchissant presque le soleil. Cheveux courts, seuls deux d’entre eux les ont laissé arriver jusqu’à la taille. Dans l’eau, proche du bord, proche de nous, des ados jouent, une balle entre les mains. Je m’interroge sur leur quotidien jusqu’à ce que notre chauffeur m’informe que ce sont les vacances scolaires.

Après ce parfait moment de détente, nous ferons une nouvelle et dernière halte à quelques centaines de mètres d’ici. De l’herbe verte contrastant idéalement avec le sable blanc, des paillotes aux bordures bleues cachées sous des hibiscus couleur feu, des cocotiers parsemés là et venant boire du bout de leurs feuilles cette eau cristalline. C’est à cet endroit que nous allons déguster nos premiers cocktail de fruits frais. De nature superstitieuse, je croiserai les doigts pour que nous ne soyons pas malades, la tentation a un prix, mais mon dieu, que c’est bon !

Mary Jane.

ÉPISODE SUIVANT – LUNDI 18 MARS 2019