Qui a dit qu’il n’y avait pas de petits voyages ? Qu’ils n’étaient pas importants ? Allez, viens, j’t’emmène partager un moment volé avec ma cousine afin de reconnecter avec nos âmes d’enfants…

…ELLE ET MOI…

Quand on est issu d’une grande famille, il est souvent difficile de partager des moments privilégiés, ces rares moments où l’on peut s’immerger dans l’univers de l’autre, dans son quotidien, hors des repas de fêtes, des réunions familiales et des quelques soirées dans l’année où l’on peut se retrouver. Dans nos quotidiens souvent trop envahissant, trop lourd, tout simplement trop, la simplicité du moment vécu est difficile à saisir. La différence d’âge, les préoccupations, les loisirs, voilà autant de critères divers qui peuvent rendre la tâche encore plus laborieuse. Voilà pourquoi, malgré la petite décennie qui nous sépare, quand ma cousine vint me proposer de partir quatre jours avec elle, je lui répondis par l’affirmative sans réfléchir.

Ma cousine, elle est maman de deux petits bouts. Ma cousine, elle a toujours sa trousse pleine de stylos ouverte sur son bureau mousse. Ma cousine, elle a déménagé plusieurs fois, et même sans y être parfois. Ma cousine, elle ne crie jamais et c’est vrai. Ma cousine, elle a fait des colos à gogo. Ma cousine, elle a toujours su garder un petit bout de sa tête en enfance, à cultiver l’imaginaire et la tolérance. Ma cousine, elle est douce, sensible et humble. Voilà pourquoi son métier lui colle à la peau. Ma cousine, c’est son style, c’est l’instit de la famille.

Quel bonheur de refaire son sac à dos. Quel bonheur de refaire le tri dans ses affaires après plusieurs mois de sédentarisation afin de voyager léger et de laisser le superflu. Quel bonheur de ressentir ce sentiment d’aventure, de découverte, de nouveauté. Quel bonheur de repartir vers l’inconnu. Enfin, un semi-inconnu car cette fois-ci, le voyage n’avait tout de même pas le même parfum que d’habitude. Elle et moi allons être accompagnées de vingt-six petites frimousses de CP durant une classe verte à la mer.

…MARDI, 8 HEURES DU MATIN ET LE SOLEIL…

Les yeux un peu collés, nous voici, en direction de son école. Comment vais-je faire pour retenir vingt-six prénoms en si peu de temps ? Vais-je arriver à les consoler la nuit s’ils pleurent ? Et s’ils ne m’aiment pas ?… Autant de questions auxquelles je ne tardais pas à trouver les réponses. J’étais enjouée. Mêler les deux causes qui me tiennent à cœur et que je me plais à défendre au quotidien, le voyage et le quotidien d’enfants prêts à croquer la vie, me firent oublier le coup dur du réveil.

Ce matin-là, devant cette école de quartier, l’ambiance n’a rien d’habituelle. Les élèves sont bien là, tous avec des sacs, seulement pour certains, il s’agit de leur cartable, pour d’autres, ce sont leurs sacs de voyage. Les moteurs des bus ronronnent, les valises sont chargées, les derniers bisous ont été envoyés. Les enfants sont assis à leur siège, réalisant à peine qu’ils ne verront ni papa ni maman ce soir. Les aux-revoirs sont presque absorbés par l’excitation du moment. Ils ont 7 ans en moyenne et, entourés de leurs copines, de leurs copains, de leur maîtresse, l’odeur familière du quotidien s’évapore.

Quelques chansons, beaucoup de coloriages, une ou deux colères, des rires, il y a comme un parfum de colonie de vacances dans ce bus. C’est toi la cousine de la maîtresse ? C’est comment que tu t’appelles ? Tu vas rester avec nous tout le temps ? J’en intrigue certains, j’en amuse d’autres, j’en indiffère un ou deux. La fusée de la cité de l’espace est dernière nous. La cité de Carcassonne est dépassée. Voici le dernier indice qui apparaît devant nos yeux, une étendue bleue avec quelques bateaux flottants. Après pas loin de quatre heures de route, nous voici arrivés. C’est sous un soleil timide mais présent que nous découvrons notre nouveau lieu de vie, pour les prochaines 96 heures. Deux par deux, main dans la main, voici ces jolis petits minois récupérant leurs sacs et filer vers leur nouvelle chambre pour une nouvelle aventure.

…LA PARENTHÈSE S’OUVRE…

L’endroit est spacieux et rénové, je le découvre à travers leurs yeux, à côté d’eux. Je ne suis pas la maîtresse, mais à leurs yeux, je suis tout de même une adulte. Pourtant, j’aimerais oublier les responsabilités qui me sont données en tant que tel, j’aimerai passer mon temps à rire avec eux, mais je ne le peux. A côté de cela, j’ai le plaisir de regarder ma cousine dans son élément. J’ai le plaisir de la voir adorée, respectée de ses élèves. J’ai le plaisir de vivre cette nouvelle édition avec elle et voir l’émerveillement facile dans leurs regards.

Être la cousine de la maîtresse est prétexte à rire. Comment la maîtresse peut-elle avoir une cousine ? Une maîtresse peut-elle être autre qu’une maîtresse ? Puis, au fur-et-à-mesure du temps qui passe, je deviens, à mon tour, autre que la cousine de la maîtresse. Des complicités naissent. Je commence à en cerner quelques-uns, tout comme certains commencent à me cerner. Je me dévoile petit à petit en fonction de la confiance qu’ils me donnent, j’arrive à m’adapter à eux, comme beaucoup s’adaptent à moi. Ils commencent à venir vers moi, à me donner la main, à me poser des questions, à me rapporter la bêtise du copain, à me montrer leur éraflure sur le genoux, ils commencent à s’adresser à moi en tant qu’adulte de confiance.

L’avantage avec les enfants c’est qu’ils sont entiers. Rares sont ceux qui, dès l’âge de sept ans, arrivent à dissimuler leurs émotions, à cacher ce qu’ils pensent, à retenir les mots qu’ils veulent dire. Avec cela, comment ne pas s’attacher rapidement ?… Des rieurs nés, des malicieux expérimentés, des timides chétifs, des émotifs contagieux, des bavards compulsifs, des Caliméros allergènes, des copines pour la vie, des Pinocchios maladroits… Mais surtout, des sourires, des rires, des secrets, des câlins, des blagues, des chansons, des privates jokes, des histoires nocturnes, de la méditation endormante, des pleurs, de la fragilité face à une force extraordinaire. Des bouilles singulières, avec chacun son caractère, sa personnalité, son histoire, le tout à graver mon ‘ti cœur.

…RETROUVER SON ÂME D’ENFANT…

Je n’ai rien vu passer de ces quatre jours. Mon quotidien fut calé sur leur rythme. En pleine thématique du vent, entre visite d’aquarium, pêche à la main, découverte d’un bateau pirate, la fabrication de cerfs-volants et des expériences manuelles, j’ai appris et découvert à leurs côtés. J’ai découvert un petit bout de terre que je ne connaissais qu’à travers des préjugés, le Grau d’Agde. Son soleil printanier m’a offert sur un plateau d’argent des balades sur la plage, des pêches à la main, des petites criques, un phare, des bateaux suivis par des oiseaux blancs, des balades le long du littoral et une quantité suffisante de grains de sable sous les dents.

Se lever avant eux, manger après eux, faire attention à eux, prendre soin d’eux, être disponible, à leur écoute, leur expliquer. Mais aussi, les rassurer, leur montrer que le monde est riche, que la vie est belle. Leur faire comprendre que leur voix est tout aussi importante que celle d’un adulte. Leur montrer qu’ils comptent…

Les écouter tenir des propos absolument cohérents du haut de leurs quelques années. Les observer investir rapidement un espace inconnu pourtant loin de leurs chez eux. Les sentir réagir sur des choses bénignes et pourtant bien réelles. Les suivre dans leur quête d’un bonheur quotidien, que beaucoup d’adultes ont abandonné, ceux qui ont du oublier leur âmes d’enfants…

…LA PARENTHÈSE SE REFERME…

C’est avec nostalgie que je rassemble mes affaires ce soir. C’est avec nostalgie que je remonte dans le bus ce matin. C’est avec nostalgie que je reprends ma place devant, à côté du chauffeur. C’est avec nostalgie que je les entends chanter tous en cœur, que je les entends rire, malgré la fatigue et les kilomètres qui s’effacent sous nos pas. C’est avec nostalgie que je dis au revoir à chacun d’entre eux cet après-midi.

Je les regarde s’éloigner, entourés de leurs parents, impatients de les retrouver. Je sais que, d’ici quelques minutes, je redeviendrai la cousine de la maîtresse. Je suis ravie d’avoir été à leurs côtés durant ce petit périple qui leur aura permis de toucher du doigt une émancipation à venir. Je me sens heureuse d’avoir pu les observer durant leur baptême de premier voyage loin des leurs, avec de nouvelles émotions, entourés d’une communauté, loin de leurs petites zones de confort. Je suis reconnaissante envers ma cousine de m’avoir permise de vivre cela. Je lui suis reconnaissante de m’avoir fait confiance à ce point. Je la remercie de m’avoir donné la possibilité de renouer avec mon côté enfantin, celui que je ne veux pas oublier, celui qui me permets de rire de tout et de rien, celui qui me nourrit et qui me fait voir la vie en rose quand j’en ai besoin. Et dire qu’au début, j’appréhendais tellement leurs réactions que je ne pensais pas avoir besoin de gérer les miennes au retour… Comme un retour de colo, comme un retour de voyage, comme une fin d’un moment rempli d’émotions.

Le cours de la vie continu, avec plein de choses à raconter, ou de secrets à garder. Pour la première fois, j’ai pu ressentir ce que ma cousine ressent au mois de juin. Dire au revoir à ses élèves chaque année, ceux pour qui elle se bat au quotidien afin d’allier éducation scolaire et équilibre social. Finalement, elle ne fait qu’appliquer ce que le mot éducation signifie, l’art de faire en sorte qu’un enfant puisse sortir de chez lui et se débrouiller dans le grand monde. Voilà de quoi consolider mes pensées, les enfants sont notre avenir, l’éducation avec un E majuscule est notre meilleur outil, et nous, nous sommes leurs exemples…

Petits enfants commencent à devenir grands…

 

Cousinette, Merci…

 

Mary Jane.