…CHANGEMENT DE SCENARIO…

Aujourd’hui, je suis excitée comme une puce. Aujourd’hui, comme quelques années maintenant, je m’en vais assister à un évènement particulier, mythique, connu de tous, emblématique, international voire même intergalactique. Je vais me fondre dans un monde de strass, de paillettes, d’excentrisme, de show biz, de luxe, de stars, de people, de mode… Bref, je vais encore une fois approcher ce monde qui me fait pétiller les yeux depuis toute petite, celui du 7e art.

Le soleil est parfait ce matin. Il vient sublimer ce ciel azuréen d’un bleu à la limite de l’indécence. Les fleurs m’envoient leurs parfums, même à travers la pollution, elles arrivent à m’enivrer. En plein milieu de semaine, les routes sont, comme d’habitude dans ce joli coin de France, très empruntées. Le trafic me désespère mais la hauteur des palmiers m’emmène ailleurs. Malgré l’heure bien matinale, la chaleur est écrasante. Ce mois de mai m’offre un joli ballet.

Contre toute attente, un bref regard dans le rétroviseur, personne derrière, personne devant, je braque le volant. Je fais demi-tour. Je refuse de m’infliger une attente considérable dans la voiture alors que le ciel est bleu, que le soleil brille et que les oiseaux chantent. Qu’est-ce que je viens de faire…

…UN DÉCOR DE CINÉMA…

Heureusement que je ne suis pas venue exprès. Sur le moment, je ne réfléchis pas. Je suis mon envie, je fais confiance à mon instinct. J’arrive sur une plage, celle que j’aimais tant. Je reste là, à observer le paysage, à m’imprégner des lieux. Je me souviens. Je me souviens de ce temps où je me sentais chez moi ici. Je me souviens de ces habitudes, je me souviens de cet environnement. Je me souviens et je me sens bien. C’est si loin tout cela…

Les pieds dans le sable, je prends le temps de penser. Il y a quelques mois de cela, je n’aurais jamais fait demi-tour sur cette route. Je n’aurais jamais manqué une édition en me trouvant si proche. Attendre sous la chaleur, courir dans tous les sens pour voir la moindre vedette, être à l’affût de la moindre information pour ne rien rater, avoir l’impression désagréable d’appartenir à ce monde n’était-ce que quelques minutes, je le faisais sans trop réfléchir. Tout cela ne me dérangeait pas, au contraire, cela me plaisait…

Voir cette ville métamorphosée pendant plusieurs semaines, si calme d’habitude. Voir sa population multipliée pendant plusieurs jours, si importante déjà. Voir son décor transformé pendant plusieurs heures, si beau déjà. Voir son organisation repensée pendant plusieurs mois, si compliquée parfois. Un spectacle vivant, auquel j’aimais tant assister, avant…

…DEUXIÈME PRISE…

Voulant m’éviter un écart de pensées trop brutal, je reprends la route, la même mais, pas le même jour. La fin de toute cette enivrance a eut lieu hier soir. Malgré mon absence, j’ai suivi de loin les évènements de ces dix derniers jours. Je sais qui fut récompensé. Je sais qui a reçu la Palme d’Or. Je sais quels étaient les stars les plus attendues par les photographes. Et je sais quels étaient les films les plus attendus.

En descendant le boulevard Carnot, je m’attends à retrouver une partie de ville plus calme. Je m’attends à retrouver des locaux reprenant possession de leur quartier. Je m’attends à retrouver un bord de mer habité de nouveau par le calme. Je passe la gare en direction du parking et loin de tout ce que j’imaginais, j’arrive en pleine transition. Puis, je le vois, là, en face de moi. Encore habillé de sa tenue de gala, il a encore de l’allure et me fait sensation. C’est drôle parce que le reste du temps, je le trouve moche, insipide, inutile. Une erreur architecturale qui vient complètement perturber un paysage certes bétonné, mais tout de même charismatique.

Ce matin, le marché de Forville est à son comble. Les habitués osent de nouveau fouler le bitume, après la bataille. Les touristes dominicaux sont là, à piocher sur les stands les produits locaux, à choisir des roses blanches, à penser leur repas du midi avec du poisson frais. Je m’éloigne de l’agitation. Flip-flop aux pieds, panier en paille sur l’épaule et livre sous le bras, me voici en direction de la plage. Sur mon chemin, je croise les derniers journalistes, valises sous le bras. Je rencontre les derniers tenaces avec leur tenue glamour, ceux peut-être qui ont du mal à revenir à la réalité. Cette réalité qui est en train de réapparaître minutes par minutes, mètre carrés par mètres carrés sous les effort de la municipalité. Comme l’on démonte un plateau de tournage, ils s’appliquent, sous la chaleur écrasante, à effectuer une tâche dominicale bien particulière, celle d’annoncer au monde entier que la 71e édition du Festival de Cannes vient de tirer sa révérence.


…Episode suivant, le lundi 20 Mai 2019…