…DE PORT ORLY À LUGANVILLE…

Prêtes bien avant l’heure suite à cette autre nuit cauchemardesque, nous voici une nouvelle fois à l’arrière du pick-up, afin de regagner Luganville en fin de matinée. Nous découvrons avec surprise la petite maisonnette que nous occuperons deux nuits. Entourée de fleurs plus belles et plus colorées les unes que les autres, l’endroit est parfait pour se remettre des émotions de ces derniers jours. La fatigue, les nerfs et la chaleur ont raison de moi, je passerai les prochaines heures au calme, seule, sous la ventilation murale, accompagnée des sons de quelques margouillats.

Pendant ce temps, ma compagne de voyage partira en expédition. Elle ira explorer de près l’épave du Président Coolidge et du Million Dollars Point, preuves de l’occupation américaine lors de la Seconde Guerre Mondiale. En effet, le Vanuatu compte parmi les sites les plus reconnus concernant la plongée sous-marine. Des eaux claires, des eaux chaudes, des récifs calmes et colorés, puis des épaves, les plus connues au monde. C’est grâce à cela que j’en appris davantage sur cet archipel encore bien mystérieux pour moi. Visitées depuis plusieurs siècles par les Polynésiens et les Papous, ces merveilles ont toujours attiré l’œil. Mais, revenons au début des années 1600, date à laquelle les premiers Européens les observèrent à travers leurs lunettes maritimes. D’abord par les Espagnols, puis un siècle plus tard, par les Anglais avec le Capitaine Cook qui baptisa cette zone, Nouvelles-Hébrides. Moins d’un siècle après, les premières colonisations occidentales avaient lieu. Après des tiraillements entre peuples sur des sujets aussi prévisibles que la religion, la Grande-Bretagne et la France proclamèrent la neutralité de l’archipel peu de temps avant le XXe siècle. Voilà comment, en partie, la population autochtone s’est vue être désemparée et sous les lois de ces hommes « blancs », chaussés de leurs grands souliers, venant de l’ouest.

Vint le moment de la Seconde Guerre Mondiale. Pourtant loin de tout, elle se retrouva mêlée au conflit, après l’attaque de Pearl Harbor en 1941, où certains navires américains y établirent leur base. Une fois tout ce petit monde rentré à la maison, les vestiges restèrent, des jeeps, des navires, un tank, des bouteilles de coca… Voilà d’où vient la renommée des lieux… Le Vanuatu devint indépendant et nommé de la sorte en 1980, date à laquelle les touristes commencèrent à ajouter cette destination à leur liste de voyage.

…ESPIRITU SANTO, EN MODE RANDO…

Aujourd’hui est une grande journée ! Remise de mes émotions, nous voici sur pieds, tôt, pour aller voir Millenium Cave. Une journée de canyoning nous attend. Avec beaucoup d’appréhension, nous arrivons au lieu de rendez-vous qui se trouve à la sortie de la ville. Sur place, nous rencontrons notre chauffeur, qui nous explique à l’aide de dessins et de schémas, le déroulement de la journée, le tout en français. Nous allons avoir droit à du trecking, du caving, du canyoning et du swiming. Novice en la matière, tout cela ne me rassure pas, mais je suis convaincue au fond de moi que la fierté que j’aurai ce soir n’aura pas de prix. Après une petite heure de trajet mouvementé, notre chauffeur nous laissera en compagnie de notre futur jeune guide, sourire jusqu’aux oreilles, pieds-nus.

Nous faisons enfin nos premiers pas dans la jungle, la vraie. Après plus d’une heure à arpenter de minuscules sentiers, ensevelis sous les arbres, les fougères géantes, les lianes et guidés par le son des oiseaux et autres animaux que je ne peux voir, nous apercevons un petit village. Typique par excellence, cet ensemble de plusieurs farés est d’une propreté exemplaire, entretenu de façon responsable et artistiquement bien conçut. Nous rencontrons une partie de la famille de notre guide et nous comprenons que le parcours ne fait que commencer ! Accompagnés de ces deux fils, nous allons pénétrer dans une nature encore plus épaisse, encore plus divine, encore plus brute. Sur le chemin, il nous explique que nous nous dirigeons vers une grotte qui a été découverte à l’an deux mille, voilà d’où vient son nom. Il s’agit d’un lieu sacré, un lieu enveloppé de magie et concerné par de nombreuses légendes. Par conséquent, nous ne pouvons pas y pénétrer aussi simplement. Un rituel s’impose. Nous devons nous présenter aux esprits, nous devons apaiser leurs craintes à notre sujet, leur montrer qu’ils peuvent avoir confiance afin de s’assurer un passage aussi tranquille que possible. Nous voici le visage peint à l’argile rouge de symboles représentant plusieurs éléments dont l’eau et les chauves-souris. Sur fond de chants sacrés, ce moment sera intense, unique, envoûtant.

Dans le respect le plus total, nous continuons notre marche, sans nos sacs, emportés par ses enfants afin de nous soulager. Un peu honteuse de cela, ce n’est qu’un peu plus tard que j’en saisirai pleinement la raison. L’entrée de la grotte apparaît. Comme gardée en secret par la flore qui l’entoure, celle-ci la dissimule aisément. Une fois pénétrée, nous nous trouvons dans le noir total. Je suis en panique intérieure, une foi encore méconnue m’accompagne et je m’applique me protéger le visage au mieux. Il y a des gros rochers, il y a de l’eau, il y a des volatiles qui nous défient et cette odeur nauséabonde n’aide en rien ma concentration. Les chauves-souris sont les gardiennes des lieux et elles ne manquent pas à leurs tâches. Les lampes torches que nous avons à la main ne nous permettent pas de voir où nous mettons les pieds. Voilà ce qu’il nous vaudra des moments de surprise, dans plus d’un mètre d’eau par exemple. Il y a des bestioles là-dedans, je les sens autour de mes jambes. Je vis ce moment comme une épreuve, un dépassement de moi-même, une quête de quelque chose que je n’explique pas encore. Puis, après un long, très long, trop long moment, nous apercevons la lumière, nous arrivons au bout. Je ne sais pas si je suis en pleine hallucination. Est-ce que ce temps passé dans la grotte m’a valu de perdre la tête ? Est-ce mes yeux qui se sont déshabitué à la lumière du jour ? Peu importe la réponse, les rayons de lumières me guident, m’attirent. Je n’en reviens pas. Tout est là. Tout est parfait. Tout est immaculé. Le paysage, le mélange de toutes les espèces d’arbres, de fleurs, le bruit des oiseaux, les perroquets, le bruit de la rivière, les couleurs, l’odeur… Cette grotte est le passage vers un autre monde, un monde où tout n’est que pureté, beauté et sérénité. Une pause s’impose. En pleine euphorie, ce sera après de longues minutes à baver la bouche bée et les yeux écarquillés que le périple continuera.

Nous voici maintenant officiellement dans l’eau. Ne m’attardant plus sur ce qui me passe dans les jambes, nous voici à l’étape du canyoning. Les rochers et les chaussures mouillées ne font pas bon ménage, me voici les deux genoux en sang. Proche de tomber dans les pommes, mon instinct de survie me vient en aide pour braver ce genre de défits. S’en suit alors la phase de trek. Jamais de ma vie je n’ai eu à grimper une paroi aussi abrupte, avec un sol argileux aussi glissant, sous une chaleur à ce point écrasante. Une fois en haut, je prends conscience du trajet parcouru. Je prends conscience de l’endroit où je me trouve, perdu au milieu de l’Océanie, loin de tout. Je prends conscience de toutes ces différences entre ce monde et le mien. Je prends conscience de ce que je suis finalement capable de faire, malgré la difficulté, la peur, la douleur. Le voici, le moment que j’espérais tant ce matin, la fierté que je ressens à mon égard va me donner des ailes. Il y a bel et bien de la magie ici. Après tout, je me trouve sur l’île qui se nomme Espiritu Santo

Mary Jane.

ÉPISODE SUIVANT – LUNDI 1 AVRIL 2019