Quand tu as fait de ta vie un voyage, non seulement tu sors encore un peu de la norme imposée par notre jolie société, mais tu as aussi du mal à rentrer dans un schéma de vie commun. Tu soulèves des questions et tu inquiètes tes proches concernant ton avenir. Alors, viens, j’t’emmène te montrer pourquoi la vadrouille a du bon et surtout, que tu as toujours un port où jeter ton ancre.

…À BÂBORD…

   « Moi la mer elle m’a pris, au dépourvu, tant pis »     Renaud

Alors voilà, nous y sommes. Un matin, rien ne va, tout part de travers, tout se casse la gueule, la tempête s’annonce. Les éléments se déchaînent, la boussole perd le nord, le bateau tangue, le mât se brise, la voile se rompt. Emportés par un courant quotidien, même du haut de notre nid-de-pie, on n’a pas vu la vague arriver.

                                              « Un iceberg droit devant »       Titanic

Une abattée est la seule option. Tout ce que tu as construit, peu importe ton âge, ta carte 12/25, ton crédit, tout cela part à la dérive. Ce changement, tu ne l’as pas forcément voulu mais tu vas le subir, telle une forte houle en pleine face. Tu te rends compte que ta vie ne tient pas qu’à toi finalement. Tu vas comprendre que beaucoup font de grands discours sur les choses, sur la vie, sur la manière de faire, la façon d’aborder les problèmes, ou tout simplement sur le comment vivre ta vie. Et là, en ce jour bien précis, où tes repères se sont fait la malle, tu vas te rendre compte qu’une grande partie de ce que tu as réalisé, tout ce que tu as entrepris, tu l’as fait en grande partie parce qu’on t’a appris comme cela. « Il faut faire ce qu’il faut, un point c’est tout ». Et là, tu te retrouves, en plus de devoir gérer un naufrage imminent, perdu dans des eaux troubles.

            « Être un naufragé, c’est être un point au milieu d’un cercle, perpétuellement »

                               L’Odyssée de Pi

Tout est bouché, obstrué, sombre, enfumé, noir. Tout est noir. Dans ta tête, c’est le vide et le chaos entremêlés. Dans ton cœur, c’est la paralysie et la peur. Et ton corps ne répond plus. Tu te mets à traverser une période fantomatique, tu lâches la barre, tu te sens tout doucement mais sûrement tomber dans l’eau. Dans les profondeurs, quelque chose t’attire, t’agrippe, te poigne, te tire. Tous les jours, les jolies petites sirènes vont te narguer, te donner l’illusion que les suivre est ta meilleure option. Tu es là sans vraiment y être. Tu sauves les apparences pour qu’on te laisse tranquille, pour éviter de répondre aux questions pour lesquelles tu n’as absolument aucune réponse et pour esquiver l’empathie trop envahissante des gens.

Puis, un jour, après avoir pensé, repensé, repassé le film de ta vie dix fois avant de t’endormir, tu vas la voir, la lumière du phare. Tu vas partir à l’abordage avec ton instinct de survie en guise de meilleur brigadier.  Il est temps pour toi de comprendre, de répondre, de te lever et de changer de cap. De trouver ton cap.

…À TRIBORD…

Te voici à bord de ton nouveau vaisseau. Les traces de l’accident sont encore bien visibles et ralentissent ton déplacement sur l’eau. Mais, Poséidon ne t’aura pas. Les sirènes non plus d’ailleurs. Trop tôt pour faire le point, ta priorité est de te sortir d’affaire. L’horizon semble calme mais tu sens que le danger n’est toujours pas écarté. Le temps est venu de hisser les voiles et de naviguer un peu à contre-courant. Mais, en changeant de cap, tu vas bouleverser toute une organisation, des habitudes, un système rodé depuis belle lurette. Tu ranges cette carte du monde mythique vieille de 1000 ans transmise de génération en génération qui te soutenait dans tes choix de vie. Tes esprits retrouvés, tu sais que tu t’embarques vers l’inconnu.  Le voyage va être long, mais au moins, il sera.

« Oh la vie d’un pirate à bord d’une frégate c’est la plus belle des vies,

             On s’dilate la rate quand on est pirate, oui on rit dans la piraterie »   Peter Pan

En refusant de t’échouer sur cette île déserte, en renonçant à la croyance de l‘Arche de Noé en bon sauveur, tu as fait un choix. Celui de tracer ta route, de calculer ton itinéraire ou d’aller là où le vent t’amènera. Les embûches vont être nombreuses, les mers sont peuplées de pirates, le Triangle des Bermudes se fera aimant. Une fois la prise de conscience acquise, tu sauras au fond de toi que si tu ne veux pas couler avec ton navire, tu dois prendre des décisions, les tiennes. Mauvaises peut-être, difficiles sûrement, mais elles te feront avancer. Elles feront de toi ce que tu es, et tu feras d’elles tes propres choix. Tu ne vas même peut-être pas te rendre compte du chemin que tu parcours. Tu ne vas peut-être même pas réaliser à quel point tes épaules sont hautes. Tu fais confiance à tes sens, aidé de ton instinct que tu développes au fur-et-à-mesure du temps. Tu te découvres, tu acceptes ton premier échec et tu comprends que tu es seul Capitaine à bord.

                                          « O Captain, my Captain »    Walt Whitman

Ça y est, l’orage est passé mais tu sais que tu ne pourras pas éviter quelques raz-de-marée. Alors, tu te blindes, tu vas vider ta cale de tout le superflu qui te pèse et tu vas trouver ta vitesse de croisière pour avancer loin mais sûrement.

…S’ANCRER…

Alors, certes, tu ne seras peut-être pas listé parmi Cartier, Colomb, Cook, De Gama, La Pérouse, Cousteau ou encore Polo, mais, ton expédition n’en est pas pour autant des moindres. À leurs différences, la plupart sont allés d’un point A à un point B. Toi, tu continues de naviguer et tu sombreras avec ton navire. Pas non plus besoin de rentrer dans les petits papiers de Jules Verne et de plier un Tour du monde en 80 jours.

                « Je parie vingt mille livres à qui le voudra que je ferai le tour de la Terre en                          80 jours au moins, soit dix-neuf cent vingt heures, ou cent quinze mille deux cents                  minutes. Acceptez-vous? »                 Phileas Fogg, Le Tour du monde en 80 jours

Tu as entrepris un voyage, celui de ta vie, et tu es conscient que la phrase « La vie est un long fleuve tranquille » n’est que le titre d’un joli film français. Tu as compris que cela ne s’arrête pas. Tu as compris que si tu n’alimentes pas ta salle des machines, le moteur s’arrête et tu coules. Alors, certes, avec le temps, tu as acquis des bouées, des feux de détresse et des canots de sauvetage.

Mais, ce que tu ne vois pas encore, c’est qu’avec tout ce que tu as vécu, tu es devenu. Avec tout ce que tu as exploré, tu as appris. Avec tout ce que tu as découvert, tu as su. Avec toutes tes rencontres, tu as compris. Et au fil des lieues, ton navire rescapé des eaux profondes va se transformer en petit bateau de plaisance tout mignon remontant le canal du Midi, bercé par le son des oiseaux, accompagné par le grincement des glaçons dans ton petit verre à ballon.

Alors, oui, larguer les amarres n’a pas été facile. Tu as dû te confronter à de nombreuses épreuves, tu as dû te faire accepter par les membres de ton équipage, ta famille et amis. Tu as su leur expliquer pourquoi tu en étais arrivée(é) là et tu as pu les rassurer. Mais, si maintenant tu es si bien sur ton bateau, pourquoi amarrer? Allez, range cette ancre qui se fait boulet à ton pied et à ton tour de m’emmener…

         « Un bateau, c’est ça vous savez. C’est pas qu’une quille, une coque et un pont et    

          des voiles ça, ils l’ont tous mais un vrai navire, comme le Black Pearl en réalité,

          c’est la liberté.  »       Pirates des Caraïbes

Pourquoi est-ce que ton port d’attache devrait être une zone géographique réelle, limitée et connue? Pourquoi ne serait-il pas tout simplement où les gens que tu aimes se trouvent? Et les gens que tu aimes, ne sont-ils pas tout simplement dans ton cœur?…

    « Le cœur de l’Homme est comme la mer, il a ses tempêtes,                                                           il a ses marées et dans ses profondeurs il a aussi ses perles… »       Vincent Van Gogh

Kenavo, au revoir…

Marie B.